Confinement

Homélie de l’Ascension

P. Arnaud Mansuy

Le père Louis Bouyer écrivait dans une homélie prêchée en 1939 : » Ne semblerait-il pas que l’Ascension dût être pour les hommes un jour de deuil, bien plutôt que de fête ? » La question se pose effectivement car l’Ascension marque la fin de cette période où depuis le matin de la résurrection le Christ est apparu à ses disciples, et ouvre le temps de l’attente du retour du Seigneur. Si ce départ n’est pas un jour du deuil, c’est parce que le laps de temps entre la résurrection et l’ascension comme une longue retraite pour les Apôtres, retraite préparatoire à ce départ du Christ qui siège désormais à la droite du Père, et préparatoire à la mission confiée aux Apôtres. Car pendant ses apparitions, le Seigneur » leur a parlé du Royaume ». Jésus les a fait entrer dans son mystère.

Comme aux disciples d’Emmaüs, il leur a fait entendre les Écritures, pour qu’ils y découvrent tout ce qui le concernait. Pendant quarante jours, le Seigneur s’est laissé interroger par ses compagnons pour qu’ils comprennent pleinement la réalité du salut qu’Il avait réalisé par sa mort et sa résurrection. Pendant quarante jours, le divin Maître leur a fait pénétrer le sens de la mission qui serait la leur d’apporter la bonne nouvelle de ce Salut jusqu’aux extrémités de la terre : » De toutes les nations faites des disciples ; baptisez-les au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, apprenez-leur à observer tout ce que je vous ai commandé ».

Ainsi lorsque nous appuyons notre foi sur le témoignage des Apôtres, nous ne faisons pas un saut dans le vide. Le témoignage des disciples n’est pas le souvenir d’une vision furtive du Ressuscité. Les Apôtres ont longuement vu le Christ vainqueur de la mort ; ils se sont mis à son écoute avec une attention renouvelée pour comprendre le sens profond des paroles et des gestes dont ils avaient été les témoins durant tout son ministère publique.

Bien sûr, au terme de cette féconde période, il pourrait y avoir de la tristesse chez les Apôtres ; le livre des Actes des Apôtres montre leur hésitation : » à ces mots, sous leurs regards, [Jésus] s’éleva, et une nuée le déroba à leurs yeux. Et comme ils étaient là ; les yeux fixés au ciel pendant qu’il s’en allait, voici que deux hommes vêtus de blanc se trouvèrent à leurs côtés ; ; ils leur dirent : “Hommes de Galilée, pourquoi restez-vous ainsi à regarder le ciel ? …’’ » La parole des anges permet aux Apôtres de comprendre que l’Ascension du Seigneur n’est pas une fin, mais le début de leur mission. Après avoir vu et entendu le Christ ressuscité, les Apôtres savent d’une vérité qu’aucun événement ne pourra ébranler que le Seigneur Jésus est pour toujours au milieu d’eux : « Et moi je suis avec vous tous les jours de votre vie ».

Le Ressuscité est au milieu de son peuple, Il l’est pour l’éternité. De la même manière qu’aucun mur et aucune porte ne pouvaient empêcher le Christ de se tenir au milieu des siens pour leur donner sa paix ; aucune épreuve et aucune solitude ne peuvent nous séparer de sa Présence. Le Seigneur ne connaît qu’une seule limite : la limité de notre liberté. Le Seigneur frappe à la porte de notre cœur, sans jamais se lasser. Devant le mystère inouï de Dieu qui laisse cette liberté à sa créature, la solennité de l’Ascension nous redit toutefois que s’ouvrir au Christ c’est s’ouvrir à une joie profonde.

Bien des événements pourraient mettre une chape de plomb sur nos cœurs et étouffer notre espérance ; pourtant, s’inscrivant dans le temps de Pâques où nous goûtons la joie de la présence du Ressuscité, la solennité de l’Ascension fait naître la conviction que le Seigneur n’abandonnera jamais son peuple. » Et moi je suis avec vous tous les jours de votre vie » : tous les jours, dans toutes les circonstances, dans toutes les adversités, mais aussi dans toutes les joies, tous les événements de nos vies.

Comme aux disciples témoins de son ascension et de sa glorification, le Christ nous promet le don de l’Esprit Saint. La solennité de l’Ascension apparaît dès lors comme programmatique de toute la vie chrétienne. Heureux de la résurrection du Seigneur, vivant de sa vie par les sacrements, fort de la » force d’en-haut, celle de l’Esprit Saint », nous sommes envoyés dans le monde pour y porter la nouvelle du salut.

Dans la joie de cette solennité de l’Ascension du Seigneur qui siège à la droite du Père, entrons avec toute l’Église dans la neuvaine préparatoire à la Pentecôte. Désirons et demandons au Seigneur d’envoyer sur chacun de nous l’Esprit Saint qui rafraîchit nos brûlures, qui purifie nos péchés, qui guérit nos blessures, qui féconde nos efforts et qui nous rend fort pour vivre unis à Dieu dans toutes les circonstances de nos vies.

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  • Isabelle Bridet Reply
    22 mai 2020 at 6 h 31

    Merci Père Arnaud pour cette très belle homélie.
    Elle nous met en garde contre la tentation d’un immobilisme, d’une prière triste et nostalgique tournée vers le ciel.
    Comme il est dit dans un chant liturgique, trouvons dans nos vie sa présence, et allons l’annoncer au monde !

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