Confinement

Homélie du 1er mai

P. David Vaimbois. Mémoire (facultative) de saint Joseph, travailleur : Gn 1,26 – 2, 3 ; Mt 13, 54-58.

Dans ce passage d’évangile, nous voyons la surprise des habitants de Nazareth face aux paroles et aux actes de Jésus. Ils n’arrivent pas à reconnaître, voire à admettre, quelque chose de surnaturel chez celui qui est censé être un familier, quelqu’un qu’ils connaissent bien (c’est ce qu’ils croient). « D’où lui viennent cette sagesse et ces miracles ? N’est-il pas le fils du charpentier ? » C’est la seule référence explicite au métier de saint Joseph dans l’évangile. Dans saint Marc, ceci est sous-entendu : Jésus est appelé directement « le charpentier » (Mc 6, 3), ce qui n’empêche pas – bien au contraire – que ce soit d’abord le métier de Joseph, le fils faisant généralement le métier de son père qui le lui a appris. Les gens de Nazareth donc n’arrivent pas à faire coïncider l’origine et le métier de Jésus – qu’ils croient connaître - avec la Sagesse du Christ – qui les dépasse. Seraient-ils jaloux ?

Mais, si on pense que le « charpentier » n’est pas seulement celui qui fait les meubles, mais celui qui fabrique les outils agricoles ; si on pense qu’il est aussi celui qui construit les charpentes et les toits (c’est-à-dire « l’architecte »), si le charpentier est celui qui bâtit la maison : alors la jalousie devrait faire place à l’émerveillement, à l’adoration : « si le Seigneur ne bâtit la maison, les bâtisseurs travaillent en vain » (Ps 126). Les habitants de Nazareth, qui ne sont pas grecs mais juifs, reconnaîtraient alors la Sagesse qui est Jésus. Pour le citoyen grec, être sage c’est ne pas travailler pour pouvoir réfléchir et construire la Cité. Tandis que la tradition biblique nous indique une autre voie : « Que tes œuvres sont grandes, Seigneur ! Tu les fis toutes avec Sagesse ! » (cf. Ps 103, 24). Quelqu’un, pétri par la Bible, devrait reconnaître et discerner dans le charpentier un sage à l’image de la Sagesse du Dieu Créateur. Le charpentier fait avec ces mains, ce qu’il a dans sa tête. Sa pensée se réalise dans une oeuvre, tout comme la Sagesse-Parole (le Logos) de Dieu s’accomplit dans l’œuvre matérielle de la Création : Il dit et Il fait. Le charpentier est bel et bien quelqu’un qui, par son travail, collabore à l’œuvre de Création : donc il est sage. En ce sens, Jésus se révèle donc aussi bien le fils de Joseph que le Fils du Père. Par notre travail, nous pouvons collaborer à l’œuvre de Création.

Pour cela, il y a au moins une condition à remplir : nous sommes appelés à accepter le mystère dans notre vie. Accepter de ne pas tout savoir, de nous dessaisir de nous-mêmes, de notre travail, de notre manière de pensée. « Car celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perd sa vie à cause de moi la trouvera » (Mt 16, 25). Aussi, « transformez-vous en renouvelant votre façon de penser pour discerner quelle est la volonté de Dieu : ce qui est bon, ce qui est capable de lui plaire, ce qui est parfait » (Rm 12, 2). Accepter le mystère c’est laisser le Seigneur nous ouvrir les yeux sur ce monde, sur Son action et Sa Sagesse, Sa Volonté qui sont et seront toujours, au-delà des apparences et plus grandes que nous.

Alors qu’en ce moment, nous sommes – avec beaucoup de nos contemporains – appauvris de notre travail, de nos projets, de nos réalisations, il est nécessaire de nous mettre à l’école de saint Joseph, travailleur, lui qui se tait pour accueillir dans sa maison (dans son cœur, dans son atelier, etc.) la présence de Jésus, présence humble et douce, puissante et toujours nouvelle. Christ est ressuscité ! « Nous ne devrions pas craindre les crises, écrit Timothy RADCLIFFE. C’est lorsque tout paraît fini, dans nos vies personnelle ou communautaire, que le Seigneur se manifeste d’une façon nouvelle et secrète. […] En ces temps où l’humanité traverse une profonde crise de l’espérance, nous, chrétiens, devrions être aux aguets, les yeux et les oreilles bien ouverts, pour reconnaître [le Christ] quand il viendra sous une forme inédite » (in Au bord du mystère, Paris, Cerf, 2017). Saint Joseph, notre soutien quotidien dans le labeur, veillez sur nous et conduisez-nous à Jésus.

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  • Isabelle Bridet Reply
    1 mai 2020 at 10 h 22

    Merci David !
    Oui, accepter de nous dessaisir, actuellement, nous sommes dessaisis , non par choix, mais par soumission, obligation, nécessité. Que le Seigneur nous aide à embrasser ce dépouillement, à le choisir pour le suivre sur son chemin de pauvreté !

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