Confinement

Homélie du 3 avril

P. David Vaimbois

Dernier vendredi de Carême avant la Semaine Sainte. L’étau se resserre. Le procès de Jésus, commencé dès le chapitre 5 de l’évangile selon saint Jean, s’intensifie. Pour la deuxième fois, on saisit des pierres pour lapider Jésus. Hier, après la Révélation du Nom, Jésus échappe de peu à la lapidation (prenant ainsi la place de la femme adultère, au début du chapitre) : « "Amen, amen, je vous le dis : avant qu’Abraham fût, moi, JE SUIS." Alors ils ramassèrent des pierres pour les lui jeter. Mais Jésus, en se cachant, sortit du Temple » (Jn 8, 58-59). Aujourd’hui, l’évangile s’ouvre sur ces mots : « De nouveau, des Juifs prirent des pierres pour lapider Jésus » (Jn 10, 31).

Attention toutefois à ne pas se tromper de procès. Le procès de Jésus est le procès où Jésus juge, nous juge1 : Avons-nous la Foi ? Croyons-nous que Jésus EST Dieu, LE SEIGNEUR « JE-SUIS », fils de Dieu et qu’Il accomplit l’œuvre du Père, c’est-à-dire notre Salut ? En vivons-nous ? Jésus juge et appelle les témoins à la barre. Des témoins vont et reviennent : les œuvres de Jésus (v. 32) qui sont les œuvres du Père (v. 37-38) ; les paroles de Jésus entendues comme un « blasphème » (v. 33 et 36) ; le témoin le plus important se trouve au cœur de ces allés-et-venues (techniquement c’est un chiasme. Cf. ci-dessous), le témoignage de « l’Ecriture [qui] ne peut être abolie » (v. 34-35). Schématiquement :

  • A/ Les œuvres de Jésus (v. 32)
    • B/ Le "blasphème" de Jésus (v. 33)
      • C/ L’Ecriture ne peut être abolie (v. 34-35)
    • B’/ Le "blasphème" de Jésus (v. 36)
  • A’/ Les œuvres du Père (v. 37-38)

Un point sur « les œuvres ». Il ne s’agit pas de n’importe quelles œuvres… Vu ce que nous lisons au verset 40, tout laisse à penser que ces œuvres sont les signes donnés par Jésus, qui sont aussi les œuvres du Père. Dans l’évangile selon saint Jean, il y a 7 signes : l’eau changé en vin aux noces de Cana (Jn 2), la guérison à Cana du fils du fonctionnaire royal (Jn 4), la guérison de l’infirme de Bethesda (Jn 5), la multiplication des pains (Jn 6), la marche sur les eaux (Jn 6 également), la guérison de l’aveugle-né2. Quand Jésus dit « J’ai multiplié sous vos yeux les œuvres bonnes qui viennent du Père. Pour laquelle de ces œuvres voulez-vous me lapider ? » (Jn 10, 32), Jésus n’a pas encore réalisé le 7e signe : la résurrection de Lazare3. Ces signes, nous le savons, renvoient à Une Œuvre, Un Signe : le mystère pascal, Mort et Résurrection de Jésus. Aussi, le procès n’est pas terminé. La sentence n’a pas été rendue.

Il nous faut entendre un autre témoignage, le témoignage de Jean (cf. Jn 1, 7) : « Il repartit de l’autre côté du Jourdain, à l’endroit où, au début, Jean baptisait ; et il y demeura. Beaucoup vinrent à lui en déclarant : "Jean n’a pas accompli de signe ; mais tout ce que Jean a dit de celui-ci était vrai" » (Jn 10, 40-41). Jean le Baptiste a témoigné de Jésus en disant : « C’est de lui que j’ai dit : Celui qui vient derrière moi est passé devant moi, car avant moi il était » (Jn 1, 15) ; « Voici l’Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde » (Jn 1, 29 et 36). Jean relaie le témoignage du Père au Baptême : « J’ai vu l’Esprit descendre du ciel comme une colombe et il demeura sur lui » (Jn 1, 32). Jean désigne aussi Jésus comme l’Époux (cf. Jn 3, 28).

« Jean n’a pas accompli de signe ; mais tout ce que Jean a dit de celui-ci était vrai » (Jn 10, 41). Après ce témoignage, la sentence tombe : « Et là, beaucoup crurent en lui » (Jn 10, 42). Serons-nous ce ceux-là à l’Heure de la Passion ? Puissions-nous répondre (comme d’autres au jour de leur ordination) : « Oui, je le veux, avec la grâce de Dieu ».

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1« Celui qui croit en lui échappe au Jugement ; celui qui ne croit pas est déjà jugé, du fait qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu. Et le Jugement, le voici : la lumière est venue dans le monde, et les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises » (Jn 3, 18-19). « Amen, amen, je vous le dis : qui écoute ma parole et croit en Celui qui m’a envoyé, obtient la vie éternelle et il échappe au jugement, car déjà il passe de la mort à la vie » (Jn 5, 24). « Moi, je ne peux rien faire de moi-même ; je rends mon jugement d’après ce que j’entends, et mon jugement est juste, parce que je ne cherche pas à faire ma volonté, mais la volonté de Celui qui m’a envoyé » (Jn 5, 30, repris en Jn 8, 16).

2Dans les débats qui ont suivi cette guérison, Jésus dit : « Je suis venu en ce monde pour rendre un jugement : que ceux qui ne voient pas puissent voir, et que ceux qui voient deviennent aveugles » (Jn 9, 39).

3Où le Christ dit : « Père, je te rends grâce parce que tu m’as exaucé. Je le savais bien, moi, que tu m’exauces toujours ; mais je le dis à cause de la foule qui m’entoure, afin qu’ils croient que c’est toi qui m’as envoyé » (Jn 11, 41-42)

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  • Isabelle Bridet Reply
    3 avril 2020 at 10 h 57

    Merci David!

    Il faut dire oui, ou il faut dire non. Oui, je crois, ou non , je ne crois pas. Et il faut se dépêcher de se décider.
    Pas de place pour le ben… j’essaye de croire. En tout cas il n’en est rien dit dans cet évangile. En revanche, pour les tièdes, dans l’Apocalypse (?) il est dit que Dieu les vomit…J’ai du mal à le croire.
    Je crois qu’il est plus miséricordieux que cela, il nous connait bien et il nous aime malgré tout, ou même il nous aime parce qu’on est bien minables souvent…

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