Confinement

Homélie du 5 avril, Dimanche des Rameaux

P. Bruno Houplon

Jésus entre à Jérusalem. La foule des disciples l’accompagne en fête, les manteaux sont étendus devant lui, on parle des prodiges qu’il a accomplis, un cri de louange s’élève : Béni soit celui qui vient, lui, notre roi, au nom du Seigneur. Paix dans le ciel et gloire au plus haut des cieux. Foule, fête, louange, bénédiction, paix. C’est un climat de joie que l’on respire. Jésus a réveillé dans le cœur tant d’espérances surtout chez les gens humbles, simples, pauvres, oubliés, ceux qui ne comptent pas aux yeux du monde. Lui a su comprendre les misères humaines, il a montré le visage de miséricorde de Dieu, il s’est baissé pour guérir le corps et l’âme. Tel est Jésus, avec un cœur qui regarde chacun de nous, nos maladies et nos péchés. Grand est son amour. C’est avec cet amour qu’il est entré dans Jérusalem… C’est une scène belle, joyeuse et pleine de lumière, la lumière de l’amour et du cœur de Jésus… Lorsque nous pouvions célébrer ensemble les années passées… au commencement de l’eucharistie, nous l’avions répété en agitant nos palmes. Nous aussi nous avons accueilli Jésus en exprimant nous aussi notre joie de l’accompagner, de le savoir proche, présent en nous et au milieu de nous, comme un ami, comme un frère, aussi comme un roi, c’est-à-dire comme un phare lumineux de notre vie. Jésus est Dieu abaissé jusqu’à cheminer avec nous. Il est notre ami et notre frère, celui qui éclaire notre chemin.

« La joie, tel est le mot que je veux vous dire. Ne soyez jamais des hommes et des femmes tristes, un chrétien ne peut jamais l’être. Ne vous laissez jamais prendre par le découragement, et rappelez-le à vos prêtres quand ils paraissent être dans la tristesse et le découragement. Notre joie n’est pas une joie qui naît de la possession de nombreux biens, mais du fait d’avoir rencontré une personne, Jésus, qui est parmi nous. Nous savons qu’avec lui nous ne sommes jamais seuls, même dans les moments difficiles que nous traversons, même quand le chemin de la vie se heurte à des problèmes et à des obstacles qui semblent insurmontables comme cette épidémie qui paralyse le monde entier. Et il y en a tant ! Nous accompagnons et nous suivons Jésus, mais surtout nous savons qu’il nous accompagne et nous charge sur ses épaules. En cela est notre joie, l’espérance que nous devons porter dans notre monde. S’il vous plaît, ne vous laissez pas voler l’espérance que Jésus nous apporte !

Chers amis, en célébrant seul ce matin, je vous ai vus dans la procession d’entrée et je vous ai imaginés, me souvenant des années passées, faisant la fête autour de Jésus, agitant des rameaux d’olivier non pas d’une manière timide mais avec foi, conviction, et joie. Je vous imagine criant son nom et exprimant votre joie d’être en sa compagnie. En faisant (en esprit bien sûrs…) cette procession dans la rue et non pas recroquevillés dans l’église, vous avez une part importante dans cette fête de la foi. Vous apportez la joie de la foi au monde et dites que nous devons vivre la foi avec un cœur jeune, toujours, même à soixante-dix ou quatre-vingts ans, 110 pour les plus vigoureux ! Oui, avec un cœur jeune. Avec le Christ, le cœur ne vieillit jamais. Tous nous savons que le roi que nous suivons et qui nous accompagne est très spécial, c’est un Roi qui aime jusqu’à la Croix et qui enseigne à servir, à aimer. N’ayons pas honte de sa Croix. Au contraire, embrassez-la pour avoir compris que c’est dans le don de soi, dans le fait de se dépasser, que réside la véritable joie, que c’est avec l’amour de Dieu qu’il a vaincu le mal. Portez la Croix pèlerine à travers tous les continents, par les routes du monde. Portez-la en répondant à l’invitation de Jésus, pour faire de toutes les nations des disciples.

Suivre le Christ jusqu’au bout de l’amour, jusque dans sa gloire, c’est aussi l’accompagner sur le chemin douloureux qui prélude à la victoire pascale. C’est à quoi nous invite l’Eglise tout au long de cette Semaine Sainte qui commence aujourd’hui.

En écoutant le récit de la Passion selon saint Matthieu, nous venons déjà de parcourir les étapes de ce cortège sinueux, alternativement heureux et tragique, qui aboutit à la Croix.

Cela commence par un hommage enthousiaste pour celui qui représentait l’espoir populaire d’une libération. En évoquant tout à l’heure la scène des Rameaux, nous nous éprouvions complices de ce peuple qui acclamait son Roi, palmes à la main : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! »

Et puis, quittant la foule, ce sera l’ultime repas de la Pâque dans l’intimité familiale des disciples. Nous y serons avec eux : « Ceci est mon corps livré pour vous… Ceci est mon sang versé pour vous et pour la multitude. » Moment inoubliable, que l’Eglise n’a pas oublié, car, répondant au commandement de son Seigneur de faire de même, elle y trouve sa source et sa force, elle y reconnaît le sacrement de son existence, de son unité et de son renouveau, et chacun d’entre nous y puise la force pour une vie de membre de ce corps qui nous rassemble. Mais déjà il s’agit du corps livré, c’est à dire voué à la mort sanglante en laquelle va s’accomplir cette vie offerte et communiquée en nourriture. Et voilà que nos cœurs comblés vont s’assombrir à la perspective d’un lendemain dramatique.

De l’angoisse de Gethsémani au baiser de la trahison, de l’arrestation à l’infamie du procès, du prétoire à la croix, nous suivons Jésus pas à pas, conscients que le péché qui l’a crucifié est encore le nôtre, ainsi que nous le rappelle Isaïe dans sa prophétie du serviteur souffrant : « C’est à cause de nos fautes qu’il a été transpercé, c’est par nos péchés qu’il a été broyé. » Mais bientôt nous saurons aussi, à notre confusion, qu’en s’étant douloureusement chargé de nos péchés, le Christ meurt pour notre justification, d’une mort qui lui valut, et nous valut après lui, de rejaillir en vie éternelle.

C’est en regardant, en contemplant le Christ en Croix, comme les enfants d’Israël regardant avec foi le serpent d’airain, que nous serons sauvés de nos péchés et rétablis dans la dignité des fils et filles bien-aimés du Père.

Et quand éclatera sous nos regards éblouis la lumière pascale, qu’alors aussi la joie envahisse nos consciences de baptisés, pour nous rappeler que, par l’eau du baptême, nous avons reçu un Esprit de renaissance pour vivre une Pâque quotidienne, sur le mode de mort et de résurrection en vue du jour de l’ineffable rencontre dans la gloire du Père, dans la communion de tous les saints.

3 commentaires

  • nicole galand Reply
    5 avril 2020 at 10 h 42

    Père , je viens de méditer votre Homélie et j’ai retenu avec conviction: vous apportez la Joie de la Foi au monde,et surtout : avec le Christ le coeur ne vieillit jamais !
    Je suis donc allée rechercher les méditations de toute la Semaine Sainte que vous aviez déposées dans l’Eveil missionnaire de la paroisse Saint Epvre c’était en 2017 ,et je les avais imprimées , aussi , je vais profiter de ce confinement imposé , cependant nécessaire , pour les relire , celle du Vendredi Saint m’avait fortement impressionnée!
    Merci en union de prière en ce dimanche des Rameaux

  • Isabelle Bridet Reply
    5 avril 2020 at 10 h 50

    Merci Bruno !
    Nous n’avons pas de rameaux, mais hissons nos cœurs vers le Seigneur, tous ensemble !

  • Catherine et Didier Rance Reply
    5 avril 2020 at 18 h 59

    Père Bruno,

    Votre joie est communicative. Si vous nous avez vu rameaux en mains ce dimanche, dans la procession d’entrée, nous vous avons vu bénissant et souriant dans cette procession. hosanna au plus haut e Cieux. béni sit celui vient au nom du Seigneur !

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