Confinement

Homélie du Lundi IV Pâques

P. Bruno Houplon. Jn 10, 11-18 : Je suis le Bon Pasteur

Pour comprendre l’importance que revêt le thème du pasteur dans la Bible, il faut revenir à l’histoire. Les Bédouins du désert nous donnent aujourd’hui une idée de ce que fut, à une époque, la vie des tribus d’Israël. Dans cette société, le rapport entre pasteur et troupeau n’est pas seulement de nature économique, basé sur l’intérêt. Une relation presque personnelle se développe entre le pasteur et le troupeau. Des journées entières passées ensemble dans des lieux solitaires à s’observer, sans autre présence. Le pasteur finit par tout savoir de chaque brebis ; la brebis reconnaît et distingue parmi toutes les voix, celle du pasteur qui parle souvent avec ses brebis.

Cela explique pourquoi Dieu s’est servi de ce symbole pour exprimer sa relation avec l’humanité. L’un des plus beaux psaumes du psautier décrit l’assurance que donne au croyant le fait d’avoir Dieu comme pasteur : « Le Seigneur est mon berger : je ne manque de rien».

Par la suite, le titre de pasteur est donné, par extension, également à ceux qui remplacent Dieu sur terre : les rois, les prêtres, les chefs en général. Mais dans ce cas, le symbole se divise : il n’évoque plus seulement une image de protection, de sécurité, mais aussi d’exploitation et d’oppression. Aux côtés de l’image du bon pasteur apparaît celle du mauvais pasteur, du mercenaire. Dans Ezéchiel on trouve un terrible réquisitoire contre les mauvais pasteurs qui ne paissent qu’eux-mêmes, d’où la promesse de Dieu de prendre lui-même soin de son troupeau (cf. Ezéchiel 34, 1 sq).

Dans l’Evangile Jésus reprend ce schéma du bon et du mauvais pasteur, mais avec une nouveauté : « Je suis le bon pasteur ! », dit-il. La promesse de Dieu est devenue réalité, en dépassant toute attente. Le Christ fait une chose qu’aucun pasteur, aussi bon soit-il, ne serait disposé à faire : « Je donne ma vie pour mes brebis ».

L’homme d’aujourd’hui rejette avec dédain le rôle de brebis et l’idée du troupeau, sans se rendre compte qu’il s’y trouve en plein milieu. L’un des phénomènes les plus évidents de notre société est l’effet de masse. Nous nous laissons entraîner passivement par toute sorte de manipulation et de persuasion occulte. D’autres créent des modèles de bien-être et de comportement, des idéaux et des objectifs de progrès, et nous les suivons ; nous les suivons, avec la peur d’être dépassés, conditionnés et hypnotisés par la publicité. Nous mangeons ce qu’ils nous disent, nous nous habillons comme ils nous l’enseignent, parlons comme nous entendons parler, avec des slogans. Le critère par lequel se laisse guider la majorité dans ses choix est celui du « tout le monde fait comme ça » !

Regardez comment vit la foule dans une grande ville moderne : c’est la triste image d’un troupeau qui sort ensemble, s’agite et se presse, à heures fixes, dans les wagons des trams et du métro puis, le soir rentre ensemble au bercail, vide de soi et de liberté et de joie. Nous sourions amusés en regardant se dérouler un film au rythme accéléré avec les personnes qui avancent par à-coups, rapidement, comme des marionnettes, mais c’est l’image que nous aurions de nous-mêmes si nous nous regardions de manière un peu moins superficielle.

Le bon Pasteur, qui est le Christ, nous propose de faire avec lui une expérience de libération. Appartenir à son troupeau ne signifie pas tomber dans l’effet de masse, mais en être préservé. « Où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté » (2 Co 3, 17), dit saint Paul. Cela signifie que là apparaît la personne avec sa richesse unique et son vrai destin. Là apparaît le Fils de Dieu encore caché : « Bien-aimés, dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons ne paraît pas encore clairement » (1Jn 3, 2)

Demandons au Seigneur de nous laisser réinterroger :

  • Comment écoutons-nous la voix du Seigneur ?
  • Comment nous laissons-nous connaître par le Seigneur ?
  • Comment apprenons-nous à le connaître ?
  • Comment Le suivons-nous ? Comment mettons-nous nos pas dans Ses pas ? »

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  • nicole et jean Reply
    4 mai 2020 at 9 h 48

    Merci Père pour cette Homélie , elle traduit bien notre monde actuel dans lequel le paraître , la course pour un bonheur artificiel , la négation de l’essentiel , l’effet de masse sont à la mode et éphémères !
    Ce temps de confinement sans doute a permis de se poser , de méditer et de trouver ou retrouver la place du Bon
    Berger dans nos vies

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