Saint Luigii Scrosoppi

Mémoire

Fêté le 5 octobre

Biographie

L’histoire des Congrégations philippines est riche d’hommes généreux et capables d’entreprendre, poussés souvent par les circonstances et interpellés par les besoins des gens, singuliers oratoriens qui tout au long des siècles ont donné origine à des initiatives caritatives qui enrichissent l’histoire de l’Oratoire de pages glorieuses.

San Luigi ScrosoppiCe fut le cas de Saint Luigi Scrosoppi (1804-1881), impliqué dans les initiatives de son frère pour les petites filles « abandonnées », lequel, à son tour, se trouva à une institution à laquelle il n’avait peut-être pas pensé se donner. La vie de ce saint oratorien se déroule à l’époque qui connut la violente extinction d’un grand nombre de Maisons oratoriennes en Italie, à cause des lois subversives. Aucune pourtant, selon le témoignage de Cistellini, ne se termina par un déclin rayonnant comme ce fut le cas de l’Oratoire de Udine, dont le Père a été solennellement canonisé à Saint-Pierre le 10 juin 2001.

Dans l’homélie pour la Béatification, le 4 octobre 1981, le Pape Jean Paul II disait du Père Luigi : « Entré dans la Congrégation de l’Oratoire il en fit un centre dynamique d’irradiation de vie spirituelle. Dans sa vie, totalement dépensée pour les âmes, il a eu trois grands amours : Jésus, l’Eglise et le Pape, et les « petits ». Très jeune déjà, il choisit le Christ et il l’aima, le contemplant pauvre et humble à Bethléem, travailleur à Nazareth, souffrant et victime à Gethsémani sur le Golgotha, présent dans l’Eucharistie. ‘Je veux lui être fidèle – a-t-il écrit – attaché parfaitement à Lui sur le chemin du Ciel et réussir à être l’une de ses copies’. Au fondement de sa multiple activité pastorale et caritative, il y a une profonde intériorité ; sa journée était une prière continue : méditation, visites au Saint-Sacrement, récitation du Bréviaire, Chemin de Croix quotidien, Chapelet, et enfin, longue oraison nocturne. Lumineux et efficace exemple d’équilibre entre la vie contemplative et la vie active ».

Le même Pontife, qui, dans le Bref « Pia Mater Ecclesia » avait rappelé la devise du Père Luigi : « faire, souffrir et se taire » ajoutant que « sans aucun doute elle exprime son style de vie et s’accorde clairement aussi avec sa volonté de vivre le troisième degré de l’humilité », complétait le profil clair du Saint dans l’homélie de la canonisation solennelle : « La sainteté est un don que le Père nous communique par Jésus-Christ. La foi en Lui est, en effet, principe de sanctification. Par la foi l’homme entre dans l’ordre de la grâce ; par la foi il espère prendre part à la Gloire de Dieu. Cette espérance n’est pas vaine illusion mais fruit certain d’un cheminement ascétique parmi tant de tribulations affrontées avec patience et vertu mise à l’épreuve. Ce fut là l’expérience de Saint Luigi Scrosoppi durant une vie entièrement employée à l’amour du Christ et des frères, spécialement des plus faibles et des sans défense. ‘ Charité ! Charité ! ’ : cette exclamation jaillit de son cœur au moment de laisser le monde pour le Ciel. Il exerça la charité d’une façon exemplaire, surtout vis-à-vis des fillettes orphelines et abandonnées, faisant participer un groupe de maîtresses avec lesquelles il donna naissance à l’Institut des « Sœurs de la Divine Providence ». La charité fut le secret de son long et infatigable apostolat nourri du constant contact avec le Christ ».

Né à Udine le 4 août 1804, Luigi Scrosoppi vécut les années de son enfance en famille, où habitait son frère, le Père Carlo Filaferro – né d’un précédent mariage de la mère – à cause de la suppression de l’Oratoire local. Confié aux soins du Père Carlo et fréquentant l’église dans lesquels officient encore les Pères, bien que contraints à ne pas vivre en communauté, Luigi grandit à l’école de Philippe Néri et célébra sa Première Messe le 1er avril 1827 donnant commencement à son ministère, oratorien dans l’âme ne pouvant l’être juridiquement. Dans l’exercice des vertus et dans le service pastoral et caritatif du Père Luigi émerge clairement cette dimension oratorienne qui conduisit le jeune prêtre diocésain à suivre son frère lorsque, les situations politiques étant changées, on put penser reconstruire la Congrégation.

La vie terrestre du Père Carlo terminée sans que l’œuvre ait parfaitement atteint son effet, le Père Luigi employa ses énergies et jusqu’aux biens familiaux pour réaliser ce rêve dont il était profondément participant, et il réussit à accomplir avec ténacité ce que le Père Carlo n’avait pu mettre en place. Les tristes conditions politiques et historiques du 19ème siècle apportèrent en dix ans la destruction, y compris matérielle, de la Congrégation que le Père Luigi venait de rétablir avec fatigues et en même temps l’amour qu’il nourrissait. Mais le disciple de Saint Philippe continua à se considérer et à signer « de l’Oratoire » jusqu’au terme de sa vie, surmontant par son appartenance à l’idéal philippin les coups terribles que le siècle donna aux Congrégations oratoriennes. Il n’en abandonna pas l’habit endossé jusqu’à la fin comme une livrée aimée, cet habit déteint et usé que ses filles conservent à Udine comme une précieuse relique de sa fidélité à l’Oratoire et de sa charité inépuisable ; et les mots « presbyter Oratorii – prêtre de l’Oratoire » furent écrits sur la pierre tombale du Père, tant ce titre lui était cher et familier.

L’Oratoire, détruit par la violence d’une idéologie qui s’auto-proclamait libérale, lui resta au cœur, son patrimoine d’idéaux demeurant intact. Et à plus d’un siècle de sa mort, il est émouvant de réfléchir sur le fait que le miracle approuvé pour sa canonisation, le Bienheureux Luigi l’a obtenu justement en faveur d’un confrère oratorien.

Certains articles du Père Antonio Cistellini et de Monseigneur Guglielmo Biasutti sont d’une grande aide pour introduire un thème intéressant pour celui qui voudrait se donner à une recherche plus ample sur la dimension oratorienne du Père Luigi. Elle mettrait probablement au jour de riches veines de l’esprit oratorien : celles qui ont formé l’activité pastorale et le style apostolique du Père Luigi, sa façon de se comporter avec les personnes avant même la façon de se comporter avec leurs difficultés, une méthode que nous reconnaissons facilement « philippine ». « Il n’est certes pas difficile, écrit Cistellini à l’occasion de la béatification – de reconnaître en lui les traits, les façons, les orientations délicieusement philippins : les nombreuses relations et dépositions en sont d’éloquents témoignages. En elles transparaissent sa droiture vive, sa prédilection pour la simplicité et la franchise lorsqu’il prend soin et se fait proche, la candide pureté de l’homme agréable, doux et sérieux en même temps, à l’intelligence lucide, même s’il n’est pas rempli de culture, très aimable. Même ses plaisanteries, plaisantes et spontanées dont est constellée sa journée au milieu de ses filles, semblent copiées sur l’incomparable modèle du prêtre joyeux de la Chiesa Nuova. Même les humbles événements de ses premières filles, à l’aube de l’institut, respirent la grâce et la fraîcheur des authentiques fioretti philippines. Mais c’est surtout en suivant les lignes typiques de sa spiritualité qu’on perçoit dans le Père Luigi de claires consonances avec le programme de vie religieuse que le Père Philippe commandait aux siens. Devenir saints, avant tout : le fondement indispensable, irremplaçable en est l’humilité. Ce n’était pas un avertissement singulier : mais fut singulière indubitablement l’insistance avec laquelle Philippe la proposait et insistait ; et la sincérité et la cohérence avec lesquelles le Père Luigi l’eut comme norme de vie pour lui et pour les âmes des siens. ‘L’humilité – soulignait-il dans ses propos – dans le comportement, le parler, le demander’ ; ‘Que l’humilité et la charité soient présentes avec tous et pour tout : semper mel in ore et mel in corde – le miel toujours présent dans la bouche, toujours présent au cœur’. ‘Vous serez très vite sainte si vous vous considérez comme rien, si vous cherchez à être délaissée et tenue sans importance, si vous acceptez de la main de Dieu tout ce qui vous arrivera ; si vous ne désirez rien d’autre que de faire la volonté de Dieu’ ».

Dans le Père Luigi émerge d’une façon convaincante la profonde unité de l’esprit contemplatif et de l’infatigable engagement dans l’exercice de la charité. A ce propos aussi le Père Cistellini propose une claire synthèse qui mériterait d’être développée : « Comme son chaleureux Père Philippe, le Père Luigi était un homme tout entier immergé constamment en Dieu, envahi d’un amour brûlant pour Dieu. L’assidue contemplation du mystère trinitaire et la tendre dévotion au mystère de l’Incarnation, l’intense participation à la Passion par laquelle il se sentait ‘avec Jésus-Christ offert en sacrifice au Père éternel’, la célébration de la Messe (comme celles mémorables de son Père Philippe) recueillie, calme, passionnée, séraphique, avec ensuite les longues et silencieuses adorations dans l’humble chapelle et dans son église oratorienne, le soin pour la décoration de l’église (lui aussi une tradition délicieusement philippine) exprimé en maximes éclairantes : ‘Pauvreté pour la maison, richesse pour l’église’ , la dévotion chaude, douce, confiante à la Vierge Marie ( il fut l’un des battants pour le culte au Cœur Immaculé de Marie, justement dans le temple où surgit la première église oratorienne à Londres, dédiée à ce titre marial) : toutes ces réalités énumérées ci-dessus apparaissent comme les éléments essentiels de sa spiritualité, les lignes physionomiques qui en esquissent la figure intérieure, modelée et continuellement confrontée à celle de son père et maître Philippe Néri ».

Et comment ne pas percevoir cette parfaite consonance dans cette note distinctive de Père Luigi qui caractérisa et reste l’empreinte de toute son œuvre intense et de ses initiatives mêmes : l’abandon joyeux et confiant en la divine Providence ? « Tout faire bien – disait-il – et puis grande confiance en Dieu » ; « Souffrir tout avec joie » ; « Faire, souffrir et se taire ! », telles étaient ses maximes, ses devises habituelles, de franche origine philippine elles aussi. Qui veut approfondir la recherche et la réflexion sur l’intense exercice caritatif de Saint Luigi Scrosoppi, rencontrerait des caractéristiques qui mettront au jour sa profonde adhésion à l’ « école » du Père Philippe.

Parmi ces caractéristiques nous désirons en souligner une seule, mais fondamentale : le rapport que le Père Luigi instaura avec les personnes n’est pas purement fonctionnel en réponse à des besoins matériels ou spirituels, mais c’est avant tout une attention à la personne dans sa valeur intrinsèque, une rencontre personnelle dans laquelle la personne se sent aimée pour ce qu’elle est, et perçoit une impulsion à être toujours plus authentiquement elle-même. La charité qu’il exerça ne répond pas à un programme d’activité suggérée par une attitude naturellement philanthropique, mais elle est l’authentique forme de la morale, la modalité avec laquelle le chrétien vit chaque aspect de chaque réalité de sa vie. En tant que vertu théologale, la charité a sa source en Dieu, et plus que des initiatives humaines, elle fleurit comme une expérience d’un très grand Amour accueilli par le chrétien dans sa propre vie et communiqué ensuite au prochain. Seul celui qui rencontre la Grâce réussit à établir avec les autres ce rapport gratuit, patient, actif et constructif qui est authentique amour puisqu’il respecte tout l’homme. Dans cette pleine relation interpersonnelle qui embrasse toute la personne concrète présente devant soi, le Père Philippe est un maître d’une incomparable valeur. C’est son « école », humblement active dans la simplicité des communautés que nous voulons maintenir fidèles à toute la formulation de notre Père, qui produit des fruits de sainteté authentique dans laquelle l’humain connaît son plus grand épanouissement.

Le Père Luigi Scrosoppi, humble philippin de l’Oratoire de Udine, mort dans sa ville le 3 avril 1881 en est un témoignage stupéfiant. Témoignage poursuivi par l’engagement en Europe, en Amérique Latine, en Afrique et en Asie, de ses filles, les « Sœurs de la Providence », fondées par le Père Luigi en 1845, lesquelles ont écrit au cours de leur histoire des pages d’une adhésion incroyable à l’esprit et au style de vie de leur Saint Fondateur.

Source

Traduit de l’italien. http://www.oratoriosanfilippo.org/sanluigiscrosoppi.html