Messes en langue latine

Depuis que l’Oratoire existe à Villers-les-Nancy, il a conservé la langue latine pour une messe par semaine au moins. Quand nous sommes arrivés à St-Epvre, l’idée d’une messe dominicale en latin a fait son chemin et a débouché sur une décision : les messes de 9h30 seraient en langue latine une fois par mois et animées par le Chœur Grégorien dirigé par M. Gérard Charrier. Ceci pour plusieurs raisons.

  • Le premier motif concerne les pères eux-mêmes et la célébration hebdomadaire en latin. L’Oratoire est une congrégation internationale, née à Rome. Il convient, pour les célébrations internationales, généralement célébrées en latin, de pouvoir concélébrer facilement. Les JMJ l’ont encore montré : il est nécessaire qu’un prêtre connaisse la messe en latin et il serait bon aussi que les fidèles la connaissent également.

  • St-Epvre a le privilège d’être une basilique. Cela signifie que le St-Siège a affilié cette église à une basilique romaine. En contrepartie, une basilique doit être un lieu plus “romain” que les autres églises. On doit y recevoir l’enseignement du St-Père. Les célébrations doivent aussi montrer le caractère international de l’Eglise catholique romaine, en particulier par l’emploi de la langue latine et l’usage du chant grégorien. Notons au passage que l’aspect international du latin dans l’Eglise romaine a motivé aussi le choix de cette langue pour nombre de chants du Renouveau Charismatique ou de Taizé.

  • Lorsque a eu lieu la réforme liturgique en 1968, de nombreux abus ont vu le jour, comme le Pape Benoît XVI l’a mentionné avec regret. Des catholiques en nombre important ont donc voulu retrouver la messe telle qu’elle était célébrée avant la réforme, spécialement parce que l’aspect sacré y était davantage mis en valeur. Après diverses péripéties qu’il serait trop long de balayer ici, Benoît XVI par son motu proprio a permis aux catholiques romains qui le désiraient de vivre la messe selon le missel de Jean XXIII de 1962, que l’on appelle actuellement la “forme extraordinaire du rite latin”, la forme ordinaire étant le missel de Paul VI de 1970. Pour beaucoup de catholiques français, cela revient à vivre la messe “en latin”, qui est la forme extraordinaire, ou “en français”, qui est la forme ordinaire. Or, une richesse importante de la réforme de 70 s’est perdue dans l’intervalle : la messe de Paul VI en latin. Il s’agit bien de richesse, car non seulement le lectionnaire a connu une révision permettant d’entendre davantage d’extraits de la Parole de Dieu, mais le fait que la prière eucharistique puisse être intégralement chantée permet une beauté que la récitation à voix basse du canon par le prêtre ne vise pas. Nous avons pensé qu’il fallait promouvoir cette forme latine de la messe de Paul VI à St-Epvre, soutenus par des catholiques qui l’apprécient mais ne peuvent jamais y participer, faute de célébrations latines. L’évêque de Nancy, par ailleurs, s’était réjoui qu’une église à Nancy opte pour cette forme de célébration.

  • En perdant le chant grégorien, nous oublions une partie de notre histoire musicale et spirituelle : le chant grégorien est non seulement une forme esthétique unique de notre Occident, mais aussi une véritable spiritualité, qui met en valeur la Parole de Dieu en de courts extraits à méditer par la “douce ivresse” du chant. N’est-il pas une des traductions de cette “brise légère” où Elie perçoit la présence de Dieu dans son expérience à l’Horeb ? Il est regrettable que le grégorien soit davantage écouté en CD (y compris par des jeunes) que chanté dans les églises en Occident.



Cette expérience mise en place pendant quelques années, avec des moyens exigeants déployés pour que les fidèles puissent suivre sans difficulté le déroulement de la messe (avec des fascicules bilingues édités par Solesmes et des feuilles de chants comprenant les partitions grégoriennes avec leur traduction et celles des oraisons du jour, entre autres), nous avons dû en tirer un bilan bien négatif : beaucoup de pratiquants de St-Epvre renonçaient à la messe de 9h30 lorsqu’elle était en latin, se plaignaient de ne pouvoir participer au chant grégorien, faisaient demi-tour parfois en constatant que la messe allait être célébrée en latin ou manifestaient leur mauvaise humeur. Peu de personnes (pourtant attirées par la forme extraordinaire) sont venues de l’extérieur pour découvrir cette forme latine de la messe de Paul VI. Nous avons donc abaissé notre exigence en nous contentant de célébrer en latin la messe de 9h30 lors des solennités, jugeant qu’aussi le patrimoine grégorien de ces grandes fêtes valait la peine d’être connu. Là encore, nous devons dresser un constat d’échec sur cette expérience. Nous regrettons chez beaucoup de catholiques français le peu de sens de la catholicité de l’Eglise romaine qu’ils peuvent avoir, signalant aussi un manque d’ouverture de nos communautés. Peut-être l’expérience aurait-elle dû être mise en place plus largement en France dès les années 70 pour promouvoir le missel de Paul VI, ce qui certainement aurait empêché les tensions que nous avons pu connaître à cette époque dans le domaine liturgique.


Nous avons, le cœur gros, décidé de renoncer à l’expérience, car nous sommes d’abord au service des pratiquants de la basilique et ne pouvons leur imposer des formes qu’ils refusent, tant que le missel est respecté.


Nous ne conservons plus qu’une messe hebdomadaire en latin, la messe de 8h30 le samedi matin.

P. François Weber, co