“À l’origine du fait d’être chrétien, il n’y a pas une décision éthique ou une grande idée, mais la rencontre d’un événement, avec une Personne, qui donne à la vie un nouvel horizon et par là son orientation décisive” (Benoit XVI, Deus caritas est, 1). Cette rencontre avec une Personne nous fait entrer dans un dialogue qui demande une présence. Un « je » s’adresse à un « tu », un « je » et un « tu » qui doivent être présents l’un à l’autre, l’un pour l’autre. Dans le temps de l’Avent, l’Église nous invite à disposer notre cœur à cette rencontre, à cette présence à Celui qui est Emmanuel, « Dieu avec nous ».
En ce temps de l’Avent, il est sans doute nécessaire de prendre conscience que cette rencontre nous est proposée dans sa nouveauté absolue et elle demande de nous dépouiller de nos savoirs, de nos connaissances, de nos attentes, de nos certitudes, et de nous laisser conduire par le Seigneur. Cette rencontre avec le Seigneur dans le mystère de la Nativité est une attente ecclésiale et communautaire, mais elle est une rencontre personnelle qui demande un profond respect et une grande attention au chemin de chacun. L’Avent est le temps liturgique qui manifeste la pédagogie de Dieu qui se propose à chacun dans un ajustement respectueux de la liberté de sa créature.
D’une manière oratorienne, le temps de l’Avent - comme temps de préparation - nous conduit à l’attitude de saint Philippe dans les premières années à Rome, temps de retrait et d’écoute du Seigneur dans la fréquentation nocturne des catacombes et des porches des églises. Et pour vivre ce temps à la suite de notre fondateur, nous pouvons faire nôtre cette prière de Salomon à Gabaon : « donne-moi un cœur qui écoute » (1 R 3, 9).
L’expression est dense : un cœur écoutant, lev shema. Lev c’est à la fois le cœur, la pensée, l’intelligence, la compréhension, la connaissance, la mémoire, …, c’est le sièges des passions, des appétits, des émotions, du courage, de la détermination et de la volonté. Shema c’est écouter, entendre, obéir, percevoir, discerner. Nous pouvons faire bien des combinaisons pour approcher le sens dans sa richesse. La Vulgate traduit cor docile, et sœur Jeanne d’Arc de souligner : « la diversité même des traductions nous prouve que l’expression les déborde toutes » (Un cœur qui écoute, Cerf, Paris, 1966, col. Épiphanie, p. 15).
Quoiqu’il en soit de la richesse des traductions et des interprétations, avoir « un cœur qui écoute » demande des conditions pour permettre cette écoute cordiale. Ces conditions nous avons à nous les offrir les uns aux autres.
- L’écoute demande une parole intelligible, il faut une parole porteuse d’un message. Ce message est le dessein bienveillant de Dieu pour l’humanité, ce message c’est l’annonce de la venue du Sauveur, ce message c’est le Verbe fait chair. Écouter c’est se faire enseignable en laissant Dieu m’instruire, dans une écoute globale, totale, “jusqu’au bout”. Dans notre pratique communautaire, cela se traduit par notre écoute de la Parole de Dieu dans la liturgie et dans la tractatio.
- L’écoute demande le silence pour que cette parole soit audible. Écouter c’est entrer dans le silence, se laisser vider de nos propres pensées pour nous laisser rejoindre là où nous sommes. Nous connaissons la maxime de saint Jean de la Croix : “Le Père n’a dit qu’une parole : ce fut son Fils. Et dans un silence éternel il la dit toujours : l’âme aussi doit l’écouter en silence” (Maximes 147). Dans notre vie communautaire, cela se traduit par une attention renouvelée à la valeur du silence.
- L’écoute demande le primat de la passivité sur l’activité, et demande donc de savoir recevoir. Écouter c’est renoncer à mener soi-même le dialogue pour laisser Dieu le mener … même en laissant “parler” le silence de l’autre. Nous ne sommes pas source. Notre vie dépend d’un don premier. Le souffle de Dieu qui fait de l’homme est un être vivant est un souffle continu. Bien qu’autonome, dans ce don nous découvrons que nous ne nous suffisons pas à nous-même. La dimension première de la vocation oratorienne est communautaire : là où il y a des « je », il doit y avoir un « nous » qui est premier - conversion et mortification de chaque jour.
Jour après jour durant ce temps béni de l’Avent nous pourrons faire nôtre cette prière :
“Donne-moi, Seigneur, un cœur qui écoute. C’est une oraison jaculatoire excellente, que nous allions entendre un sermon, faire oraison, visiter un malade, ou simplement chaque fois que nous avons à entrer en contact avec notre prochain. Et, quand nous sommes seuls, cette demande peut devenir notre prière habituelle pour obtenir de rester attentifs au fond du cœur, sans cesse écoutant, en face du Seigneur” (Sr. Jeanne d’Arc op, Un cœur qui écoute, p. 27s).
P. Arnaud Mansuy, co
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Isabelle BRIDET
3 décembre 2023 at 20 h 56Merci cher père Arnaud. <3