Confinement

Message de Mgr Jean-Louis Papin, évêque de Nancy, aux diocésains

Chers frères et sœurs,

Qui pouvait imaginer que nous aurions à vivre le temps du Carême dans les conditions que nous connaissons aujourd’hui ? « Seigneur, avec toi, nous irons au désert, poussés, comme toi, par l’Esprit », chantons-nous parfois. L’épidémie de coronavirus, qui s’est répandue dans le monde entier, nous fait vivre le désert d’une façon plus radicale et totalement inédite. Elle nous tient à distance de nos relations habituelles. Elle bouleverse le cours de nos vies et nos projets. Elle nous prive du rassemblement dominical tellement important pour la constitution et la vie de la communauté chrétienne. La célébration des baptêmes, des confirmations, des premières communions et des mariages est reportée à des temps meilleurs. L’initiation chrétienne des 25 adultes de notre diocèse qui devaient être baptisés, confirmés, et communier pour la première fois au cours de la prochaine Vigile pascale, est reportée à la Pentecôte. Les défunts sont conduits à leur dernière demeure sans l’accompagnement tellement apaisant et consolant de toute leur famille, de leurs amis et de la communauté chrétienne. Une fois la crise sanitaire terminée, nous aurons à cœur d’organiser des célébrations à leur intention.

Oui, le temps que nous vivons est déstabilisant et éprouvant pour chacun de nous. Mais il n’est pas infécond. Si le Carême nous invite à nous donner davantage à la prière, alors les conditions dans lesquelles nous le vivons nous en donnent vraiment la possibilité, soit personnellement, soit en famille, soit dans une communion spirituelle plus large. Le rendez- vous diocésain de la prière, chaque jour à 18 heures, est très pratiqué et apprécié. De même que l’a été, au plan national, celui du 25 mars, fête de l’Annonciation du Seigneur. Les médias et les réseaux sociaux se sont révélés être des moyens particulièrement utiles et efficaces pour maintenir la relation et la communion spirituelle dans les paroisses et plus largement.

Le Carême nous invite aussi à témoigner plus d’amour pour le prochain. Le confinement auquel nous sommes contraints aurait pu nous conduire au repli sur soi et à un isolement plus grand. Cela a été et est encore le cas, notamment pour des personnes souffrant de solitude, d’exclusion sociale ou en grande précarité. Cependant, nous sommes émerveillés devant la floraison d’initiatives solidaires suscitées par la situation, et par la créativité dont beaucoup font preuve en ce domaine. Au lieu de nous replier sur nous-mêmes, le confinement a souvent provoqué une plus grande ouverture et attention aux autres, en particulier aux plus fragiles, mais aussi aux proches. On a pu parler, paradoxalement, d’un confinement solidaire.

Le désert particulier de ce Carême 2020 n’aura donc pas été aussi vide que nous aurions pu le craindre. Certes, il a vidé nos agendas, bouleversé le quotidien de nos vies et nos projets. Mais ce vide et ce bouleversement nous ont permis de nous centrer sur ce qui fait le cœur de l’Évangile : nous donner davantage à Dieu par la prière, et à notre prochain par la pratique de la charité. N’est-ce pas à cela que doit tendre chaque Carême ?

Dimanche prochain, dimanche des Rameaux, nous allons entrer dans la Semaine Sainte. Cette année, ce sera sans la bénédiction des rameaux que beaucoup allaient porter sur les tombes ou fixaient à un crucifix en signe de foi et d’espérance en la résurrection. Nous vivrons cette Semaine Sainte comme nous avons vécu le Carême, sans rassemblement dans les églises paroissiales, en nous unissant spirituellement aux messes et aux offices que les prêtres célèbreront souvent seuls, mais en communion avec tous, ou aux liturgies que les médias retransmettront. De même, nous serons privés de la Messe Chrismale, célébrée habituellement le Mardi Saint, dans l’attente de la vivre l’après-midi du dimanche 24 mai 2020. Tout cela constitue une nouvelle épreuve pour nous tous, car la Semaine Sainte et la fête de Pâques sont le sommet de l’année liturgique. Elles célèbrent la mort et la résurrection du Seigneur, cœur de notre foi et fondement permanent de l’Église. Que cette épreuve nous donne de suivre le Christ avec plus d’intensité et d’intériorité, depuis son entrée triomphale à Jérusalem, célébrée le dimanche des Rameaux, en passant par la table eucharistique et le lavement des pieds du Jeudi Saint, le chemin de croix du Vendredi Saint, le silence du Samedi Saint, jusqu’au tombeau ouvert et vide du matin de Pâques et la lumière de la Résurrection de Jésus. Que cette Semaine Sainte nous mette en grande communion avec celles et ceux qui sont particulièrement impactés par l’épidémie actuelle : les malades et ceux qui les soignent auxquels nous exprimons notre reconnaissance, les familles qui subissent un deuil, celles et ceux qui, malgré le danger, assurent les services essentiels à la vie de chacun, celles et ceux qui s’inquiètent pour l’avenir de leur entreprise et pour leur emploi. Notre foi en la résurrection de Jésus atteste que la mort n’a pas le dernier mot, que nous ne sommes pas faits pour les ténèbres mais pour la lumière. Notre Dieu n’est pas le Dieu des morts, il est le Dieu des vivants.

Vous le savez, il est demandé à tout catholique de se confesser et de recevoir le pardon du Seigneur au moins une fois par an. Beaucoup le faisaient durant le Carême, temps de conversion, ou à l’approche des fêtes pascales. Le confinement auquel nous sommes tous astreints ne permet pas la rencontre personnelle avec un prêtre ni les célébrations communautaires. Comme y invite le pape François, chacun peut ouvrir son cœur à Dieu, reconnaître devant lui en quoi il a péché, lui demander humblement son pardon. Comme nous le révèle la parabole de l’enfant prodigue, Dieu ouvre toujours ses bras et accorde son pardon à celui qui revient vers lui et reconnaît sincèrement sa faute. Une fois le confinement levé, il sera bon, et même nécessaire en cas de faute grave, de rencontrer un prêtre pour célébrer le sacrement du pardon sous sa forme sacramentelle et remercier le Seigneur pour le pardon accordé.

Chers frères et sœurs, en ces temps difficiles pour nous tous, je vous assure de ma prière pour vous et pour les vôtres. Puissions-nous sortir de l’épreuve différents et meilleurs que nous n’y sommes entrés, davantage enracinés dans la foi, l’espérance et la charité. Que la Vierge Marie, Notre Dame de Sion et de Bonsecours, nous accompagne et nous soutienne.

Mgr Jean-Louis Papin, à Nancy, le 1er avril 2020

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