De M. Didier Rance, diacre résidant sur le territoire paroissial
Hier encore, il était question de débats, de controverses entre Jésus et ceux qui s’opposent à lui, à sa mission. Mais ce vendredi de la quatrième semaine de Carême, où nous parcourrons à grande enjambées une bonne partie du chapitre 7 de l’Évangile de saint Jean, nous passons un cran au-dessus : ceux qui ne veulent plus qu’on l’entende ont décidés de se débarrasser du gêneur, de tuer Jésus, comme l’ont déjà compris les habitants de Jérusalem les plus clairvoyants (v.25).
La première lecture, du Livre de la Sagesse, offre un éclairage prophétique sur les raisons de cette opposition qui s’est transformée en volonté meurtrière, car à travers la figure du juste persécuté c’est bien Jésus qui est annoncé : ses adversaires ne disent-ils pas contre lui : “Il se nomme lui-même enfant du Seigneur… Il se vante d’avoir Dieu pour père” (v.13 et 16).
Que lui reprochent-ils ? De leur rappeler la Loi de Dieu, qui est Loi de vie, alors qu’ils veulent s’y soustraire, prétendant être leur propre loi, une loi de mort, une loi de vie-pour- la mort – l’auteur du Livre de la Sagesse nous le dit dans le passage qui précède celui que nous avons entendu, et ce sont leurs propres aveux. Pour eux, “brève et absurde est notre vie”, “nous sommes nés par hasard” et notre mort “sera sans retour” ; alors “allons-y, jouissons de ce que nous avons, profitons vite des créatures humaines… du vin… des orgies… écrasons le pauvre… la veuve… le vieillard…” ; pour eux seule compte la force (v.1-11).
Et c’est pour cela qu’ils condamnent le juste à une mort infâme (on ne saurait mieux prophétiser la croix, dont Cicéron dit qu’il s’agit “du supplice le plus cruel et le plus infâmant, qu’on inflige à des esclaves”). Car le juste est “un démenti pour leurs idées” (v.14) et rappelle que c’est à une toute autre forme de vie que Dieu nous appelle : notre vie, toute vie, a un sens, répond au projet d’amour de Dieu sur nous, et notre mort peut être un passage vers la Vie ; alors allons-y, vivons dans son amour, aimons nos frères, partageons, surtout les plus défavorisés et fragiles et que pour nous seul compte la charité.
Le jugement sur eux tombe : ils se trompent, ils s’aveuglent.
Dans l’Évangile aussi il est question aussi de tuer celui qui refuse ce qu’il appelle, au verset 7, « le monde », ce monde quand il refuse de reconnaitre que lui, Jésus, est l’envoyé du Père, venu pour apporter le salut, la vie. Certes ses adversaires ne le font pas comme les matérialistes dénoncés par le Livre de la Sagesse, ils le font au nom de la Loi, au nom de Moïse, mais ce qu’ils font ne vaut pas mieux car cette Loi révélée à Moïse, ils l’ont vidée de ce qui en fait le centre, le sens, la raison d’être : l’amour miséricordieux de Dieu et la promesse de salut.
Quand on lit en continu toute cette partie centrale de l’Évangile de saint Jean, toutes ces querelles qu’on cherche à Jésus, toutes ces controverses et polémiques de plus en plus acrimonieuses et bientôt homicides, on devine chez lui en arrière-plan, dans son humanité, une souffrance désolée devant leur incompréhension : “Voyez, je ne peux pas être autre que celui que je suis, le Fils du Père envoyé par Lui vous apporter son amour, pour que vous croyez et soyez sauvés. Je ne peux pas être autre que celui que je suis. Pourquoi refusez-vous de le comprendre ?” (Pierre, au contraire, est celui qui l’a compris avec son cœur, à la fin du chapitre précédent de saint Jean : “A qui irions-nous Seigneur, tu as les paroles de la vie éternelle”.
Le contexte dans lequel nous vivons en ces jours donne du relief à ces lectures : le temps est celui de la décision envers le Christ pour quiconque a entendu sa voix. Le mode de vie prôné par les contradicteurs du juste, qui oserait dire qu’il ne s’affichait pas, qu’il n’était pas dominant jusqu’à ces derniers jours dans nos sociétés (saint John Henry Newman avait prédit que ce mode de vie “comme si Dieu et la vie éternelle n’existaient pas”, encore limité au moins dans son expression à son époque, allait devenir la norme sociale). Le coronavirus passera, mais les paroles de Jésus ne passeront pas, ni le prix qu’il a payé, lui le Juste – la Croix –, et que nous sommes appelés à payer quand nous mettons nos pas dans les siens, que ce soit vis-à-vis de nous-mêmes ou de l’air du temps. Le temps nous est compté : pour l’absurde ou pour un murissement ? Le confinement est une occasion qui redouble le temps favorable qu’est le Carême pour ralentir, s’assoir, réfléchir à tout ceci, et prier.
2 commentaires
Isabelle Bridet
27 mars 2020 at 10 h 14Merci Didier !
Difficile de croire comme on l’entend que Dieu a envoyé ce fléau pour nous contraindre à nous poser et réfléchir, puisque pour la plupart d’entre nous n’en sommes pas capables par nous mêmes. Il s’agirait d’un Dieu machiavélique. Il faut espérer que lorsqu’une catastrophe nous tombe dessus, Dieu pleure, et espère de tout son cœur miséricordieux qu’enfin on commence à se tourner vraiment vers lui…
nicole galand
27 mars 2020 at 13 h 03oui ce temps de confinement nous remet devant l’essentiel , tout passera , mais faire le choix de suivre Jésus soutenu par la Grâce de Dieu est la seule voie dont nous sommes sûrs
merci pour ces méditations journalières